La Trinité - Cowes - Dinard

Nos 11ème et 6ème places à la Trinité / Cowes et Cowes / Dinard sont tout à fait honorables mais un peu décevantes. Elles reflètent cependant bien où nous nous situons dans cette flotte ultra compétitive.

10/07/23

Pour une fois, je n'ai pas l'intention de m'étendre sur le déroulé de ces courses. Pour La Trinité - Cowes, nous avons mal tactiqué jusqu'au Raz de Sein et puis nous sommes allés vite en Manche avec une bonne trajectoire, cela donne une place de 11 sur 60 bateaux. Pour Cowes / Dinard, nous avons eu une mauvaise trajectoire entre la DST et les Casquets et nous avons fait une très bonne baie de Saint-Brieuc, résultat 6ème en IRC2, là aussi sur 60 bateaux. Pour cette 2ème course, nous étions accompagnés d'une des filles de mon co-équipier et de son ami. Ils n'avaient jamais navigué en course et ont été complètement spectateurs. Dans la pratique nous étions en double. Si nous avions été classés en double nous aurions terminé 11ème à Cowes / Dinard et 10ème au championnat d'Europe. C'était l'objectif et cela reflète complètement notre niveau.

 

Parlons maintenant du reste.

 

La (très) mauvaise idée de positionner la ligne d'arrivée de la Trinité - Cowes devant l'entrée de la rivière.

 

 

Il faut tout d'abord savoir que nos amis du RORC ne font jamais, je dis bien jamais, de course se terminant au Squadron avec entrée par les Needles. Soit la course se termine à l'entrée des Needles au Nord des Shingles (par exemple les offshores de la Commodore's) soit l'entrée se fait par l'Est du Solent. Il doit bien y avoir une raison... Pour moi elle est double, tout d'abord le courant très fort aux Needles crée un effet "loterie". Après 50 heures de navigation, on peut avoir 2 bateaux avec un écart de 4% de rating qui seraient théoriquement ex-aequo et pourtant séparés de 2 heures, l'un peut avoir la marée avec lui, l'autre contre. La victoire se jouera uniquement sur ce facteur. En entrant par l'Est, l'effet est nettement moins fort. Par ailleurs les Needles par vent contre courant peuvent être dangereuses. L'essentiel de la flotte a croisé la route d'un grain à 25 noeuds dans les Needles, il y a eu plusieurs figures de style déjà très sportives mais le vent était avec le courant, la mer était plate. La même chose par vent contre courant avec la mer très dure qui se lève dans les Needles  aurait vraiment pu être un carnage, je le pense vraiment, un carnage. Je ne suis pas sûr que le Comité de course en ait conscience.

 

Par ailleurs, la ligne d'arrivée au ras de l'entrée de la rivière où juste après le passage, on se retrouve au milieu des tonnes et des quillards de sport au mouillage, de nuit sous spi à 10 noeuds en double, quelle bonne idée !!!  Là aussi, c'est dangereux, les arrivées au Squadron des offshores du RORC se font sur une ligne qui justement commence là où la notre se terminait. A la semaine de Cowes, la zone où était notre ligne est une zone de course interdite à cause des mouillages. Imaginez l'arrivée avec le même vent en début d'après midi avec les ferry , les plaisanciers, les quillards de sport... Je crois que tout est dit.

 

 

 

Le niveau impressionnant du paquet de tête en double.

 

Je n'ai pas grand chose à dire sportivement sur la catégorie "prototype" qui ne comptait qu'un seul bateau. Je crois qu'ils ont eu de la pluie sur la Trinité - Cowes et plutôt du soleil sur Cowes / Dinard. La catégorie "série" était nettement plus intéressante car elle comptait près de 60 bateaux venus de du Royaume-Uni, de France mais aussi de quelques autres pays. Je dois avouer que je suis très impressionné par le niveau de certains 1010, camarades d'entraînement à Orlabay. Je pense ici à Rostanbar (les Doudou en Duo) qui domine presque outrageusement la classe cette année, mais aussi à Ad Hoc, Adeosys et Papillon. Ils ont tous parfaitement navigué, ils vont vite, ils vont du bon côté. J'ai vraiment le sentiment qu'ils sont un cran au dessus. Nous ne sommes pas loin, mais le groupe entre 1 et 5 n'est pas tout à fait celui entre 5 et 10 qui contient cependant aussi des équipages très affutés. Bravo à eux, cela donne envie de progresser. C'est vraiment motivant de se dire : "je dois faire mieux pour jouer avec eux". Et si vous ne faites pas de double et que vous lisez cet article, venez jouer avec nous, c'et un grand plaisir, sur l'eau mais aussi à terre. Je pense que les échanges durant les 2 jours qui ont séparé les deux courses sont des moments de grand plaisir pour chacun d'entre nous. Il y a vraiment une "classe IRC double".

 

Cela vaut aussi bien entre Français, qu'à l'international. J'ai diné avec l'équipage de Bellino et de Red Ruby mecredi soir et cela a été un moment particulièrement agréable. C'est tout de même intéressant d'avoir l'avis d'un double médaillé olympique sur la course en double. 

 

 

 

De l'urgence d'officialiser un classement prototype et un classement série.

 

Sur la Trinité - Cowes, Lann Aël a gagné avec 2h57 d'avance sur le 2ème. C'est autant d'écart qu'entre le 2ème et le 13ème. Au miieu de la baie d'Audierne, après près de 24 heures de course, Lann Aël a 2 milles d'avance sur Ad Hoc auquel il rend 8%. Arrivé au Needles, après un parcours en ligne droite sans aucune option, l'avance est passée à 38 milles. Alors bien sûr, là où certains courent avec leur fille, leur copropriétaire ou leur meilleur ami, le défilé des figaristes a continué sur Lann Aël, après Erwan Tabarly, Gildas Mahé, c'était au tour de Gildas Morvan de s'essayer aux joies de l'IRC en double ! Donc dans le résultat du bateau, il faut prendre en compte la présence d'un professionnel de la course en solitaire de premier plan qui crée une différence énorme. Il  est difficile de faire la part du bateau et la part du profesionnel. Sauf que... cette section de la régate était tout droit dans du medium... Les 36 milles creusés  sur Ad Hoc en 30 heures, soit plus d'un milles à l'heure, sont donc avant tout liés au bateau.

 

Le sujet Lann Aël fait beaucoup parler car il génère une très forte frustration chez les coureurs.  C'est sûr que quelqu'un qui n'avait jamais navigué en double gagne successivement le Spi Ouest-France, le Grand Prix du Crouesty , la Trinité Cowes et Cowes Dinard devant des acharnés qui s'entrainent régulièrement depuis des années, cela interroge. Certains commencent à dire que Lann Aël a un rating avantageux. Très sincèrement je ne sais pas. Jean Sans, inventeur de la jauge IRC répétait souvent : "prenez la jauge IMOCA, inversez le sens de parcours du Vendée Globe et vous obtiendrez des bateaux complètement différents". Je crois que Lann Aël est un bateau très typé pour le programme manche Atlantique en IRC et qu'en un sens il est impossible à jauger en IRC avec un seul chiffre. Si vous augmentez son rating pour le rendre neutre entre 70° et 150° le bateau sera vraiment "matraqué" dans l'axe du vent, si inversement vous essayez comme le fait l'IRC de le décrire avec un seul chiffre alors il sera absolument intouchable dans certaines conditions, principalement celles du programme IRC Double.

 

Les chantiers qui fabriquent des bateaux de série ne peuvent pas s'adresser uniquement au marché de l'IRC Double Manche Atlantique, un marché de 100 bateaux pour 3 chantiers (JPK, Jeanneau , J-Boats, voire Offcet). Ils doivent donc faire des bateaux nettement plus polyvalents pour pouvoir en vendre à une clientèle plus large. Il n'est donc pas possible de luter contre un bateau dessiné pour ce programme spécifique. Les leaders de la classe ne vont pas se contenter longtemps de jouer les seconds rôles face à un bateau qui leur collle 2 heures quand ils ne font aucune erreur sur une offshore, ou 7 minutes sur un parcours du Spi Ouest-France où ils ont le sentiment de tout avoir bien fait. Il n'y a donc que 2 solutions : la course à l'armement, ceux qui le peuvent se payent un prototype et un figariste avec rapidement une perte d'intérêt très forte de la classe ou bien faire ce qu'a su faire la classe mini depuis des années : un classement prototype et un classement série. Je crois que cette solution pourrait contenter tout le monde et rétablir une équité sportive qui a été présente pendant des années et qui est aujourd'hui attaquée puisque la seule solution est financière. Je crois qu'il y a urgence. 

 

 

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